Décoïncidence
De retour après 15j de pause, histoire de me ressourcer un peu. Je note des salves de nouveaux comme si un groupe s'abonnait après une formation (que je n'ai pas donnée), merci et bienvenue !
L’article #inspirant
Dans la traduction automatisée, suffisance est une mauvaise traduction de sufficiency en anglais qu’on traduit en général par sobriété mais qu’on pourrait plus fidèlement traduire par satiété selon le chercheur Eloi Laurent.
Les deux principales conclusions de l'étude sont les suivantes :
En moyenne, 39 % de toutes les politiques d'atténuation recommandées par les assemblées citoyennes (CAs) sont des politiques de suffisance. Cette part peut être considérée comme élevée pour deux raisons. Premièrement, parce que le nombre total de politiques d'atténuation comprend, outre la suffisance, également l'efficacité, la cohérence (énergies renouvelables) et les politiques d'atténuation générales, qui ne sont pas connectées à une stratégie spécifique (comme l'éducation au changement climatique dans les écoles). Deuxièmement, parce que la part des politiques de suffisance dans les recommandations des CAs est trois à six fois plus élevée que dans les Plans Nationaux Énergie et Climat (NECPs).
(…)
La deuxième conclusion clé est le taux d'approbation élevé pour la plupart des politiques de suffisance et en particulier pour les politiques réglementaires. Cela indique que les politiques de suffisance ne manquent pas _per se_ de légitimité dans les sociétés européennes actuelles. Au contraire, dans un mini-public tel que les CAs, même des politiques de suffisance relativement ambitieuses sont considérées par une majorité comme une partie légitime et inévitable de l'atténuation du changement climatique.
Pourquoi cet article ? Parce que le résultat est vraiment réjouissant. Les conventions citoyennes n’existent pas qu’en France. Cette étude montre que dans les pays qui ont testé ces dispositifs, les gens (les vrais gens hein, des échantillons représentatifs qui ne sont pas les écolos du coin) quand ils prennent le temps de se pencher sur le sujet, sont 3 à 6 fois plus engagés sur des politiques de sobriété (ou satiété) que ce que proposent les gouvernements.
Non seulement ça montre en creux l’absence de courage politique des gouvernements mais aussi, que les citoyens informés attendent et réclament ce type de politiques pour conserver une planète habitable. Voilà un résultat de recherche à brandir haut et fort à ceux qui pensent que les gens ne sont pas prêts à changer leurs modes de vies.
On se prend à rêver que les “publics” à la Dewey constitués, informés, qui prennent le temps de se former et de comprendre puissent avoir beaucoup plus d’influence qu’aujourd’hui sur les politiques nationales….
Le #carton_rouge aux lubies d’architectes en bibliothèque
Les lubies d’architecte en bibliothèque - Nicolas Beudon
Autre lubie d’architecte qui fait le désarroi des bibliothécaires : les grandes baies vitrées. Beaucoup de bâtiments récents prennent la forme d’immenses boites transparentes. Un projet de nouvelle bibliothèque à Milan ressemble même à une grande serre. L’idée sous-jacente est que les bibliothèques à l’ancienne sont des lieux obscurs, vermoulus, poussiéreux et réservés à certains publics, qu’il faut éclairer, désocculter et ouvrir sur l’espace public… Ce n’est pas complètement faux mais comme beaucoup d’idées pertinentes, elle perd de sa force lorsqu’elle est appliquée avec un trop grand systématisme. L’excès de vitres peut poser 3 problèmes :
une luminosité et/ou une chaleur excessive à certaines périodes,
une dégradation accélérée des documents exposés trop frontalement aux rayons du soleil (même avec des filtres anti UV),
des contraintes fortes sur l’aménagement intérieur, en l’absence de murs utilisables pour adosser des rayonnages.
Si toutes vos cloisons sont vitrées, vous serez probablement contraint d’installer vos rayonnages au milieu de l’espace, en épis successifs, comme dans une réserve. Ce type d’implantation produit des zones ennuyeuses et monofonctionnelles. Lorsque, par dessus le marché, les rayonnages arrivent à hauteur des yeux, ils bouchent complètement les perspectives. La transparence gagnée grâce aux vitres est totalement perdue dans les espaces intérieurs qui sont saturés de meubles…
(…)
Bref, il s’agit de raisonner en termes d’expérience utilisateur (ou « UX ») plutôt que de fonction ou de forme. Dans certains métiers, cette approche est devenue une évidence : dans le développement informatique, plus personne ne pense qu’il suffit de réunir toutes les fonctions nécessaires ou de créer une interface tape-à-l’œil pour qu’une application soit un succès. En architecture, il y a encore du boulot. Comme l’observe Sarah Williams Godhagen, « les étudiants [en architecture] sont généralement récompensés pour les gestes spectaculaires, les formes qui captent l’attention, les design qui ont un maximum d’impact visuel […]. Dans ces circonstances, tout ce qui concerne l’expérience utilisateur […] a tendance à passer au second plan. » (Sarah Williams Godhagen, Welcome to Your World, How the Built Environement Shapes our Lives, Harper, 2017)
Pourquoi ce carton-rouge ? Le billet est excellent et j’aime beaucoup l’approche par les lubies… J’ai été bibliothécaire pendant 15 ans, j’ai visité des dizaines de bibliothèques en France et à l’étranger, je valide les lubies proposées !
Voilà un plaidoyer pour travailler avec les gens en mode assistance à maîtrise d’usage. C’est juste devenu indispensable pour tous les bâtiments publics.
Initiative #réjouissante
Cette ville espagnole détourne le magazine IKEA pour garder les rues propres - creapills
Alors que des services de ramassage et des centres de tri sont mis en place, certains trublions persistent à déposer leurs vieux meubles dans les rues, au grand détriment des villes et des riverains. Des répercussions de taille sur l’image renvoyée par les villes qui est bien moins attractive et qui amène dans certains cas, à des problèmes d’insalubrité.
Pour remédier à la situation, la ville de Dénia en Espagne a justement décidé de prendre le taureau par les cornes. Face à l’amas de déchets qui s’accumulent et les dépenses qui y sont allouées chaque année (et qui s’élèvent à plus de 300 000 euros), elle a alors lancé un (faux) magazine inspiré des catalogues IKEA pour faire la promotion de son service de collecte de meubles d’occasion.
Pourquoi cette initiative ? Chouette idée pour lutter contre les dépôts sauvages en ville non ?
Le mot #stimulant Décoïncidence
Un nouvel art des possibles : la décoïncidence - Non-fiction
Il faut prendre ce néologisme au sérieux. Il provient en droite ligne des travaux antérieurs du philosophe. Celui-ci l'importe dans la perspective politique. Mais comment en faire un outil d’intervention, susceptible de donner un autre corps au « non », au refus, au cri de colère philosophique ? Le plus souvent, face à une difficulté, un drame politique, on se contente de s’indigner, de protester, de dénoncer ce qui est sous nos yeux ou ce qu’on nous présente. Si cette attitude première est légitime, elle reste spontanée. Si elle contribue, pour partie, à définir l’exercice même de la démocratie, elle ne suffit pas. Et même, trop souvent, cet exercice de l’indignation devient une profession, quand il ne devient pas la seule activité de « l’intellectuel » devenu professionnel de la protestation.
Comment procéder autrement, cesser de se contenter de réactions qui sont conditionnées par ce contre quoi elles se dressent ? Justement, « décoïncider » consisterait à intervenir un temps plus tôt, défaire de l’intérieur ce que la situation implique déjà d’impasse. « Décoïncider », répète Jullien, ce geste ne prétend pas rompre ostensiblement avec le cours de l’histoire. Il tend à l'entrouvrir du dedans même de cette histoire, par des écarts, des ressources qui n’y étaient pas décelées, et qui « pourraient débloquer ce qui est en train de s’y figer stérilement ».
Pourquoi ce mot ? Très beau néologisme, qui résonne avec les apports de la systèmie et la recherche de l’inattendu ou les boucles contraires qui, de manière contre intuitive, renforcent la robustesse des systèmes.