Murmuration
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Article #inspirant
Poussés par la justice, les Pays-Bas entament (vraiment) leur virage vert - Novethic
Le gouvernement néerlandais a dévoilé fin avril pas moins de 120 mesures pour lutter contre le changement climatique pour un montant total de 28 milliards d'euros. Le pays vise un objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre de 55% d’ici 2030, par rapport à 1990, conformément aux ambitions européennes. "Il est inévitable que notre pays, notre paysage et notre économie vont changer", a commenté Rob Jetten, ministre du Climat et de l'énergie. "Nous œuvrons pour parvenir en 2050 à une économie circulaire neutre en carbone. Pour cela, nous devons nous débarrasser vraiment des énergies fossiles et nous devons réduire nos émissions de gaz à effet de serre", a-t-il ajouté.
Pourquoi cet article ? Parce que c’est une “crise sentinelle” (lien accès non libre sur le site AOC) on se parle d’expropriations et de contraintes majeures pour les agriculteurs. En cela c’est un laboratoire du renoncement ou de la redirection écologique, comme l’explique le philosophe Alexandre Monnin :
La crise néerlandaise de l’azote constitue bien un laboratoire mondial de la fermeture/du renoncement qui appelle d’autres réformes à sa suite. Une telle transformation aurait pu être jugée impossible en vertu de son ampleur : jamais le capitalisme ne laisserait faire ; jamais l’industrie n’abandonnerait ses profits ; en outre, le droit n’est-il pas l’instrument du pouvoir ? Évidemment, tout ceci n’est pas faux mais ces réflexes offusquent de réels leviers stratégiques. En outre, on peut évidemment comprendre les réactions de celles et ceux qui devront abandonner tout ou partie de leur activité : leurs attachements, parfois générationnels, étant brisés lors même que le modèle hyper-intensif et axé sur le développement technologique a nourri pendant des années le succès des Pays-Bas à l’international[5]. Ce constat appelle évidemment une réflexion sur la manière de soigner les attachements remis en cause par une politique du renoncement[6].
Elle montre qu’à partir d’une décision de justice de 2019 une politique volontariste peut entraîner un changement majeur (spoiler, le débat est très vif dans ce pays et l’extrême droite est en embuscade pour protéger “les paysans et leurs terres”…). Ici on ne parle pas de petits sujets mais de changements profonds imposés au nom de la planète par un gouvernement de centre droit. Voilà qui redonne un peu d’espoir dans la politique non ?
Le #carton_rouge en réponse à la semaine dernière
L’excellent Thomas Delahais de l’Agence d’évaluation des politiques publiques Quadrant conseil m’a répondu assez précisément sur le carton rouge de la semaine dernière. Il a fait exactement ce que j’apprécie : réagir en argumentant, merci Thomas ! (ce que tout le monde peut faire en répondant par email à l’infolettre, mais vous pouvez aussi me laisser des petits mots ou juste dire bonjour !)
J’ai pensé intéressant, avec son accord, de partager avec vous ce qu’il pense de l’article que je pointais la semaine dernière et qui disait en gros que les amateurs de vieilles voitures pouvaient être plus écolo qu’on le le croit en roulant peu et en résistant aux injonctions de changement de voiture pour de l’électrique, ils sont pourtant stigmatisés par les ZFE (zones à faible émissions dans les villes).
En fait, comme je le pressentais, ce n’est pas si simple… c’est un peu technique, concentrez-vous !
L’article mélange qualité de l’air et GES. Les ZFE ont été créées pour répondre à la condamnation de la France sur la qualité de l’air. Je t’invite à regarder les seuils des normes EURO I (1993) et EURO VI (aujourd'hui), par exemple sur wikipedia, pour constater la différence. Par exemple, on peut estimer que la Golf 3 de 93 citée dans l’article, si c’est un diesel et qu’elle est très bien entretenue, émet autant de particules en faisant 10 km qu’une diesel actuelle en en faisant 300*. Pour l’essence les différences sont moindres mais elles sont majeures aussi. Il faut vraiment très peu conduire pour que ce soit acceptable sur la pollution de l’air (à noter que dans la ZFE de Lyon il y a une dérogation « petit rouleur » (52j/an). Elle est intéressante parce qu’elle désarmorce les colères ou angoisses des automobilistes, mais aussi parce qu’elle les amène à « compter » leurs usages (beaucoup plus importants qu’ils ne croient). Il y a aussi une dérogation « voitures de collection » que, personnellement, je trouve inique, mais qui permet de continuer à faire rouler « pour usage de loisir » des véhicules de plus de 30 ans… et donc la fameuse Golf. Si les gens ne se servaient de leur voiture que le weekend de temps en temps la question ne se poserait pas.
Aujourd'hui la qualité de l’air s’améliore depuis 30 ans grâce au renouvellement du parc automobile avec des véhicules moins polluants. C’est clairement un cycle qui est en train de trouver sa fin (avec la baisse des ventes de voitures neuves, en particulier chez les particuliers, et puisque parce qu’en réalité ce cycle continue à faire augmenter la dépendance à l’automobile en Europe, et rend progressivement plus difficile à régler les enjeux environnementaux et climatiques – ce qui en fait un « super wicked problem », comme dirait l’autre). Mais inversement, le parc des années 1990, plus réduit, était beaucoup plus polluant qu’ aujourd'hui.
En termes de GES**, l’enjeu est différent, puisqu’il dépend complètement de la carbonation de l’électricité. Le coût GES de construction est fixe, plus élevé avec le Véhicule électriqueE, et la variation vient essentiellement de l’usage. En France où l’électricité est très peu carbonée, le bilan est sans appel entre deux véhicules neufs pour un usage moyen (12000 km/an en Fr), puisqu’on estime que le pivot est autour de 30 000 km. En Allemagne, c’est plus compliqué (attention chiffres anciens mais utiles pour le comparatif). Mais entre un véhicule thermique ancien et un véhicule neuf ? Ars Technica avait fait cette mesure aux États-Unis (électricité 3 à 4 fois plus carbonée que la nôtre, véhicules plus gros), et estime qu’on arrive à des gains pour le VE à partir de 2 ans d’usage (à 16 000 km/an aux EU)
Sur le fond, à système égal (fondé sur le renouvellement régulier de véhicules), le plus important c’est la décarbonation de l’électricité (déjà effectuée en France). In fine, si tu gardes ta vieille voiture et que tu l’utilises très peu (par exemple 1000km/an), c’est pas si grave (en fait, idem si tu loues une petite voiture pour des week-ends une fois de temps en temps). Si tu l’utilises tous les jours, c’est un massacre. Mais quand même, l’enjeu c’est tout de même de ne pas acheter de véhicule. Or c’est déjà une tendance de fond (voir ce rapport britannique fascinant), et c’est ça qu’il faut soutenir – pas les vieilles voitures, ni les nouvelles…
Enfin, dernier argument fallacieux de l’article : Les gens qui gardent des voitures d’il y a 30 ans ne sont pas ceux qui achètent des véhicules neufs (petite frange de la population, essentiellement retraitée). En fait 90% des achats de voiture en France sont en occasion. L’enjeu du développement de l’électrique, à court terme, c’est l’arrivée sur le marché de l’occasion des flottes professionnelles (achetées neuves et de plus en plus électriques). Donc en fait il n’y a pas de « choix » à faire pour ces personnes, qui soit conduisent peu et pourront continuer à le faire (dérogation petit rouleur), soit conduisent beaucoup, sont des pollueurs invétérés même s’ils n’en ont pas la sensation (mais en fait la science ça sert à ça aussi, remettre en perspective des évidences), et ils passeront à un autre véhicule d’occasion à un moment donné.
Initiative #réjouissante
Auto-construction : guide du porteur de projet - ville de Roubaix
L’auto-construction consiste à permettre la réalisation de structures imaginées par les habitants et soumises à autorisations préalables. Afin d’accompagner ces initiatives citoyennes sur son territoire, la Ville de Roubaix édite un guide de l’auto-construction pour :
Comprendre les bases de l’auto-construction et en quoi son usage sera utile dans l’appropriation de vos espaces de vie ;
Trouver des clefs permettant de passer des idées au projet concret ;
Connaitre les personnes ressources vers lesquelles vous devrez vous orienter pour intervenir dans l’espace public roubaisien ;
Connaitre les conditions liées à l’occupation de l’espace public, qui seront à respecter pour mener à bien votre projet.
Pourquoi cet article ? Parce qu’on parle ici de construction dans l’espace public ! C’est vraiment intéressant et je n’ai jamais vu ça ailleurs. Il s’agit d’encourager l’appropriation par les habitants organisés ou pas en collectif au développement de communs urbains. Je trouve l’initiative fascinante parce qu’elle cherche à transmettre les bonne pratiques là où pas mal d’autres villes tolèrent ou interdisent tout simplement le phénomène. Et si c’était un des premiers pas vers une ville plus proche de ses habitants ?
Le mot #stimulant Murmuration
Ce que les cyclistes et les étourneaux nous disent de l'intelligence collective - Thot cursus
La murmuration définit le comportement collectif de très nombreux individus, qui se coordonnent de manière très rigoureuse dans des mouvements complexes sans qu'il y ait de chef d'orchestre. Des étourneaux, des bancs de poissons ou des coureurs cyclistes illustrent ce phénomène intriguant.
En l'absence d'un meneur et de hiérarchie, des dizaines de milliers d'individus parviennent à ajuster leurs actions , à faire circuler une information et à optimiser un déplacement.
Pourquoi ce mot ? Parce que c’est fascinant et aussi parce que ce phénomène est très utile pour illustrer l’intelligence collective. Il réactive aussi le fantasme d’une organisation horizontale totale, c’est séduisant mais ça n’existe jamais. Ne manquez pas la vidéo ci-dessous, elle est magique !